Qu’est-ce que le devoir de vigilance ?

Ce que nous revendiquons
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Un principe simple

Le devoir de vigilance est basé sur un principe simple : toutes les entreprises ont le devoir de démontrer qu’elles s’assurent que les droits humains et l’environnement sont respectés tout au long de leur chaîne de valeur.
Autrement dit, fini de se réfugier derrière des chaînes de sous-traitances complexes, fini de dire qu’on ne savait pas. Si ce devoir de vigilance est appliqué, les maisons-mères des entreprises multinationales devront mettre tout en œuvre pour garantir que leurs filiales et fournisseurs respectent les droits humains, sociaux et de l’environnement, et le cas échéant réparent les dommages causés.

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Contre l’opacité du « made in monde »

Actuellement, l’opacité des chaînes de valeur mondiales rend très complexe l’identification des responsabilités sociales et environnementales des entreprises. Les produits que nous consommons sont « made in monde », car fabriqués par le biais de chaînes de fournisseurs et de sous-traitants en cascade, ce qui rend leur traçabilité impossible.
Il en résulte que les consommateurs peuvent acheter à leur insu des smartphones comportant des minerais issus de zones de conflits, des vêtements confectionnés par des ouvrières surexploitées, du cacao récolté par des enfants ou de la viande dont l’élevage a engendré une déforestation massive.
Une loi sur le devoir de vigilance vise à lever cette opacité.

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Dans l’intérêt de tous

Un tel devoir de vigilance est dans l’intérêt de toutes les parties prenantes :

  • pour les consommateurs, il garantit qu’ils ne sont pas complices malgré eux de violations des droits humains ;
  • pour les travailleurs, il renforce la protection des normes fondamentales du travail ;
  • pour les entreprises, il apporte une clarté juridique et réduit la concurrence déloyale. Il permet aussi de renforce la protection de l’environnement.

Pour être efficace, ce devoir de vigilance doit s’imposer à toutes les firmes transnationales et à leurs sous-traitants tout au long des chaînes de valeur. Il doit aussi être fondé sur un mécanisme contraignant de plainte et de sanction, en intégrant la responsabilité civile.
À ces conditions seulement, il pourrait contribuer à la mondialisation des normes sociales et environnementales.

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Des balises claires à respecter

Tous les produits proposés à la vente devraient respecter un socle de règles sociales et environnementales. C’est pour cette raison que le devoir de vigilance doit être imposé à toutes les entreprises qui les produisent, les acheminent et les vendent.

Pour qu’elle ne soit pas qu’un bout de papier, la législation sur le devoir de vigilance doit respecter plusieurs balises. La loi doit, a minima :

  • Concerner toutes les entreprises établies ou opérant en Belgique, peu importe leur taille (donc aussi les PME), et tous les secteurs d’activités.
  • S’appliquer à toute la chaîne de valeur des entreprises, c’est-à-dire toutes les entités avec lesquelles les entreprises entretiennent une relation commerciale (fournisseurs, sous-traitants, acheteurs de biens, de services, institutions financières, etc.), et à leurs filiales.
  • Imposer le respect de l’ensemble des droits humains reconnus internationalement, en ce compris le droit du travail et le droit à un environnement sain.
  • Être transparent (si l’on veut que les entreprises rendent des comptes, il faut les obliger à diffuser régulièrement des informations sur leurs chaînes de valeur et à mettre ces informations à la disposition du public).
  • Intégrer la responsabilité juridique des entreprises en cas de manquement à ce devoir (cela signifie que les entreprises à l’origine, complices ou liées à des atteintes aux droits humains doivent voir leur responsabilité juridique engagée à la fois sur le plan de la responsabilité civile et sur le plan de la responsabilité administrative).
  • Prévoir des mécanismes de plainte et de sanction ainsi que des voies de recours pour les victimes.
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Loin d’être une utopie

Le devoir de vigilance n’a rien d’un projet irréaliste. Des propositions concrètes sont en discussion, tant au niveau de l’ONU que de l’UE. Plusieurs États ou régions ont déjà adopté des législations imposant un devoir de vigilance aux firmes transnationales, comme l’État de Californie dès 2010, le Royaume-Uni en 2015, la France en 2017, l’Allemagne et la Norvège en 2021. Une proposition de loi est en discussion au Parlement belge.

Un groupe de travail inter-gouvernemental a été créé en juin 2014 à l’ONU pour élaborer un traité multilatéral contraignant, mais l’initiative est essentiellement soutenue par les pays en développement. Il n’a jusqu’ici pas mené à des résultats concrets, faute d’engagement politique des pays occidentaux.

Un projet de directive sur la « gouvernance d’entreprise durable » est négocié dans le but d’imposer un devoir de vigilance contraignant aux entreprises opérant sur le marché européen. Le Parlement européen demande de prévoir des sanctions en cas de non-conformité et un accès à la justice pour les victimes dans les pays tiers. Il demande en outre d’interdire les importations de produits liés à des violations graves des droits humains telles que le travail forcé ou des enfants. Il demande que ces obligations soient incluses dans les chapitres sur le développement durable des accords commerciaux.

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Oui mais ...

Les multinationales n’en font-elles pas déjà assez ?

Seule une minorité d’entreprises se montre déterminée et engagée à prendre les droits humains au sérieux, d’après Corporate Human Rights Benchmark 2020 qui a évalué 229 entreprises. Peu d’entreprises européennes disposent des informations nécessaires pour garantir des chaînes de production durables. Seules 37% des entreprises euro- péennes pratiquent une forme ou l’autre de surveillance de leurs fournisseurs et seules 16% le font tout au long de leur chaîne de production. Autrement dit, les deux tiers des entreprises européennes n’appliquent aucun devoir de vigilance et pratiquent donc une concurrence déloyale envers les entreprises vertueuses.

Le devoir de vigilance ne serait-il pas trop coûteux pour les multinationales ?

Une étude de la Commission européenne souligne que la mise en œuvre du devoir de vigilance n’entraînerait que des coûts limités pour les entreprises, puisqu’ils sont estimés à seulement 0,009% du chiffre d’affaires des multinationales et à 0,14% de celui des PME.

Des règles non contraignantes ne seraient-elles pas suffisantes ?

Comme le démontre l’étude de la Commission européenne sur le devoir de vigilance, les règles volontaires adoptées depuis plusieurs années se sont montrées inefficaces. En effet, les recommandations des Nations Unies et de l’OCDE, qui ne sont pas contraignantes, ont été très peu prises en compte par les entreprises. En Belgique, un récent rapport d’experts a montré qu’elles étaient très peu suivies. Les experts ont recommandé l’adoption d’un cadre régulateur obligatoire.

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Aller plus loin que le devoir de vigilance

Le devoir de vigilance constitue un axe important des revendications de la société civile pour un commerce juste et durable. Mais d’autres revendications sont avancées pour faire progresser les droits humains dans le commerce mondial.

  • Réformer les accords de commerce et d’investissement pour éviter le nivellement par le bas des droits sociaux et environnementaux.
  • Soutenir les pays du Sud pour qu’ils fassent valoir leurs droits. D’abord, en renforçant l’aide publique au développement et en luttant contre l’évasion fiscale pour permettre aux pays du Sud d’augmenter leurs recettes fiscales locales. Ensuite, en instaurant un fonds mondial pour la promotion des normes sociales et environnementales, qui serait destiné aux pays du Sud qui s’engagent à les renforcer.
  • Renforcer les institutions internationales défendant les droits des travailleurs, les droits humains et les droits environnementaux.