Devoir de vigilance : la directive européenne passe un nouveau cap. Des lacunes restent à combler

 (Crédit : CC European Union 2022 (Flickr)
Crédit : CC European Union 2022 (Flickr)

Ce 25 avril, la Commission des Affaires juridiques du Parlement européen a voté sa position sur la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises. Le texte passe un nouveau cap, mais des garanties supplémentaires sont encore nécessaires en vue du vote en séance plénière.

Depuis septembre 2022, le Parlement européen prépare sa position sur la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité présentée en février 2022 par la Commission. Après une lutte acharnée pour le pouvoir, un peu moins d’une dizaine de commissions parlementaires différentes ont travaillé sur une ou plusieurs parties de ce texte. Au cours des derniers mois, ces commissions ont procédé à leurs votes et ont adopté leurs avis respectifs.

Ce mardi 25 avril, c’était au tour de la commission des Affaires juridiques (JURI), qui a le lead sur ce dossier, de se positionner sur la future directive. Un compromis de texte a été voté (19 pour, 3 contre et 3 abstentions). Focus sur les avancées obtenues et les lacunes qu’il reste à combler.

Quelques avancées ont été obtenues

Le texte voté en commission JURI permet de renforcer la future directive sur quelques points essentiels, grâce à un meilleur alignement sur les normes internationales existantes. Il impose désormais aux entreprises une obligation de vigilance fondée sur le risque et qui n’est plus limitée aux « relations commerciales établies », un garde-fou qui aurait incité les entreprises à favoriser le développement de relations commerciales non-pérennes (par exemple, en changeant régulièrement de fournisseur) afin d’échapper à la responsabilité juridique. Le texte comporte également des exigences plus strictes en matière de consultation des parties prenantes tout au long du processus de diligence raisonnable.

Le texte lève aussi certains obstacles en termes d’accès à la justice, avec des mesures comme l’aide financière aux victimes et la possibilité d’être représenté par des syndicats et des ONG devant les tribunaux. Toutefois le compromis adopté ne règle pas tous les manquements de la proposition de directive.

Des lacunes restent à combler

Pour rappel, tant la Commission (en février 2022) que le Conseil de l’UE (en décembre 2022) ont adopté des positions insuffisamment ambitieuses. Un certain nombre de garanties supplémentaires, absentes du texte adopté en commission JURI, devront donc encore être adoptées pour assurer un devoir de vigilance efficace et contraignant.

Pour assurer un réel accès à la justice, les victimes doivent avoir la capacité d’engager des poursuites judiciaires. C’est pourquoi la future directive doit aussi prévoir le renversement de la charge de la preuve afin que ce soit aux entreprises de prouver qu’elles ont respecté les règles.

Par ailleurs, le texte de la directive accorde encore trop d’importance aux audits et aux initiatives sectorielles. Le risque demeure que les entreprises continuent de décharger le processus de vérification des risques liés à leur chaîne de valeur sur des tiers, pourtant jugés insuffisamment efficaces par la Commission européenne.

Enfin, les exigences climatiques imposées aux entreprises sont moins ambitieuses que les recommandations formulées début février 2023 par la Commission de l’Environnement (ENVI) du Parlement européen. En outre, les acteurs financiers restent soumis à des obligations de vigilance moins strictes, ce qui leur permet d’investir plus aisément dans des opérations commerciales aux impacts négatifs pour les droits humains, sociaux et environnementaux. Des améliorations sont donc également nécessaires pour garantir l’efficacité de la future directive à ces égards.

Prochaines étapes

La prochaine étape devrait avoir lieu le 1er juin, avec le vote sur la proposition de directive en séance plénière du Parlement européen.
Le positionnement du Parlement européen marquera ensuite l’entame d’un processus de dialogue tripartite avec le Conseil européen et la Commission devant mener à l’adoption de la directive. Ce trilogue pourrait débuter dès l’été.

Interpellez vos eurodéputée·s !

C’est le « Vote of the Year ». Le 1er juin, un vote décisif se tiendra en séance plénière au Parlement européen. Les Eurodéputé·e·s belges vont-ils ou elles jouer pour le camp des droits humains et voteront-ils ou elles pour une directive ambitieuse contraignant les entreprises à respecter un #Devoirdevigilance ?

Parce que les droits humains n’ont pas de prix, faites savoir aux eurodéputé·e·s belges que la balle est dans leur camp !