Imposer aux banques de respecter le climat et les droits humains

 (Crédit : © Basile Mesré-Brajon (Amis de la Terre/ Alternatiba)
Crédit : © Basile Mesré-Brajon (Amis de la Terre/ Alternatiba)

En France, trois ONG assignent en justice le géant bancaire pour sa contribution aux dérèglements climatiques. BNP Paribas est sommée de mettre fin à ses soutiens financiers aux nouveaux projets d’énergies fossiles. La procédure amènera-t-elle le secteur financier à se montrer plus responsable ? Tel est l’enjeu de taille de cette nouvelle action en justice.

A l’heure où les projets d’investissement dans les énergies fossiles menacent de pousser les dérèglements climatiques bien au-delà des limites admises par la science, le secteur financier peut-il continuer d’investir comme si de rien n’était dans les projets pétroliers ? La réponse semble évidente. Elle ne l’est pourtant pas pour nombre de banques qui s’adonnent à l’ « écoblanchiment » - à savoir proposer des produits d’investissement prétendument durables. En Allemagne, une procédure judiciaire vise des dirigeants de la Deutsche Bank accusés d’avoir gonflé artificiellement les actifs respectueux de l’environnement. Le problème n’est pas limité à une institution isolée : si la finance dite durable connait une croissance rapide, de très nombreux placements proposés relèvent du greenwashing.

Certaines banques ne s’embarrassent même plus de sauver les apparences. Il y a quelques mois, le dirigeant de l’investissement responsable de HSBC, Stuart Kirk, faisait polémique en déclarant que « les investisseurs ne devraient pas être préoccupés par le risque climatique ». La durée moyenne des prêts à HSBC est de six ans, soulignait-t-il. Dès lors, « ce qui arrive à la planète la septième année n’a aucune importance  ». Ben voyons. Et si sa pensée n’était pas assez claire, il ajoutait : « Qu’est-ce que ça peut faire si Miami est six mètres sous l’eau dans 100 ans ? Amsterdam est sous l’eau depuis des lustres, et c’est un endroit très agréable. Nous nous adapterons » [1].

Agir face à l’inaction

En France, des ONG ont décidé de ne pas rester les bras croisés. Les Amis de la Terre, Oxfam France et Notre affaire à tous assignent en justice BNP Paribas, la première banque européenne, pour « sa contribution significative aux dérèglements climatiques ». Les associations demandent à BNP Paribas de mettre fin à ses soutiens financiers aux nouveaux projets d’énergies fossiles, en vertu d’une loi sur le devoir de vigilance. La France s’est déjà dotée d’une telle législation, qui pourrait être adoptée aussi au niveau européen.

« BNP Paribas continue de faire des nouveaux chèques en blanc aux plus grandes entreprises d’énergies fossiles », estiment les trois ONG. Elles demandent à BNP Paribas de mettre fin à ses soutiens financiers aux nouveaux projets d’énergies fossiles et d’adopter un plan de sortie du pétrole et du gaz.

La banque n’est pas prête à se laisser faire, faut-il le souligner. Dans un communiqué, BNP Paribas, qui s’est engagée à diviser par cinq ses financements à l’extraction pétrolière d’ici 2030, s’est déclarée « en profond désaccord » avec l’interprétation faite de la législation sur le devoir de vigilance.

Aléas judiciaires

La procédure peut-elle aboutir ? Ce n’est absolument pas garanti. Une récente décision du Tribunal de justice de Paris dans une autre affaire a de quoi jeter le doute. Cette dernière vise le géant pétrolier Total et son projet insensé de forage pétrolier dans un parc naturel en Ouganda. Ici aussi, des ONG avaient saisi la justice en vertu du devoir de vigilance. Mais le juge les a déboutées en février dernier, alors que les forages viennent de débuter sur place. Pire, le juge a mis en avant la difficulté de faire appliquer la loi sur le devoir de vigilance. «  Cette législation assigne des buts monumentaux de protection des droits humains et de l’environnement à certaines catégories d’entreprise précisant a minima les moyens qui doivent être mis en œuvre pour les atteindre », a-t-il détaillé dans son verdict.

La décision est un revers provisoire pour le devoir de vigilance et le combat pour faire respecter les droits humains et environnementaux. Mais elle n’entame en rien la détermination des ONG à faire cesser les atteintes – par la voie législative, judiciaire ou par l’action citoyenne. En Belgique, le CNCD-11.11.11 et ses organisations membres en font une priorité.

Bientôt une législation européenne ? !

Au Parlement européen, le moment décisif approche pour la législation sur le devoir de vigilance. Si en France, la loi est déjà appliquée, avec des hauts et des bas, une version européenne de cette loi sera bientôt votée pour tout le continent. De nombreuses commissions du Parlement européen se prononcent actuellement sur les différents aspects du texte, qui sera soumis en séance plénière avant l’été.

Il fait peu de doute que le texte sera adopté, mais comme souvent, le diable se cache dans les détails. Le champ d’application sera-t-il large ou restreint ? Les atteintes au climat seront-elles prises en compte ou se limitera-t-on aux graves violations de droits humains ? Les entreprises pourront-elles se décharger facilement de leur responsabilité juridique ? Le secteur financier sera-t-il concerné ?

Plusieurs Etats membres essaient par exemple d’obtenir que l’inclusion des banques ne soit pas imposée, mais laissée à l’appréciation de chaque pays. Cela risque de diminuer fortement la porte de la directive.

Bref, selon les amendements qui seront votés, l’Europe se dotera d’une législation de progrès, ou juste d’un bout de papier. C’est pourquoi nous restons mobilisés dans le cadre de la campagne « Les droits humains n’ont pas de prix ». Rendez-vous sur ce site courant avril pour interpeller les eurodéputé·e·s belges.

[1Lire l’étude « Le Vert(ni) craque » de Financité https://www.financite.be/...