Rana Plaza, plus jamais ! Exigeons le devoir de vigilance
Action-commémoration du 9e anniversaire de la catastrophe du Rana PlazaCe jeudi 21 avril, une large coalition d’organisations s’est mobilisée à l’occasion du 9e anniversaire de la catastrophe du Rana Plaza au cours de laquelle 1134 travailleur·euses bengalis de la confection avait perdu la vie. Une fresque a rappelé les vies volées ainsi que l’urgence d’agir. Des bougies ont été allumées à la mémoire des victimes, des chants solidaires ont été entonnés par les participant·es. Tout au long de l’action, des prises de parole adressées au gouvernement se sont succédé pour demander une loi sur le devoir de vigilance des multinationales.
9 ans après le drame du Rana Plaza, à Dhaka au Bangladesh, l’effroi suscité par l’effondrement de l’immeuble emportant les vies de 1134 travailleur·euses de la confection et en blessant près de 2500, marque encore les esprits. Derrière ce drame, c’est l’absence de responsabilité des marques et enseignes de l’habillement, et plus largement, des entreprises, qui choque massivement. En Belgique et en Europe, des propositions sont sur la table pour légiférer précisément sur la responsabilité des entreprises à l’égard de leurs chaînes de valeur. Une avancée majeure, mais le processus, affaibli par l’action des lobbies, est terriblement ralenti et pourrait être vidé de son sens.
Pendant ce temps, dans les filières d’approvisionnement de la multitude de produits qui se trouvent dans nos magasins, les violations des droits humains et de l’environnement et des normes du travail continuent d’affecter des millions de personnes chaque jour.
Par l’action de ce 21 avril à Bruxelles, les ONG et les syndicats de la Coalition Corporate Accountability et Test Achats, association de consommateurs, appellent les responsables politiques belges à adopter rapidement une législation ambitieuse et contraignante sur le devoir de vigilance des entreprises.
En Belgique, le 22 avril 2021, le Parlement a accepté d’examiner une proposition de loi. Un an plus tard, aucun vote n’a eu lieu, le travail a à peine avancé. Au niveau européen, une proposition de directive a été présentée le 23 février dernier par la Commission européenne. Si elle marque une étape importante, de nombreuses lacunes sont relevées dans le texte et n’augurent pas les réels changements attendus pour éviter d’autres drames humains ou environnementaux dans les chaînes de valeur des entreprises.
Pour Sophie Wintgens (CNCD-11.11.11) de la coalition belge Corporate accountability : « La proposition de loi belge n’est pas parfaite, mais fait preuve de beaucoup d’ambition. Elle reprend certaines propositions du Mémorandum publié par la coalition en octobre 2020. Elle couvre en effet un champ d’application très large, prévoit la responsabilité juridique des entreprises en cas d’absence ou d’insuffisance de précautions prises pour éviter un dommage ou y remédier, ainsi qu’un accès à la justice pour les personnes affectées. Par ailleurs, l’implication à tous les stades du processus des travailleur·euses et de leurs représentants ou la nécessité d’un organe externe indépendant, sont des éléments sur lesquels ONG et syndicats sont et resteront intransigeants. »
Pour Zoé Dubois, responsable du plaidoyer chez achACT, la plateforme d’organisation qui milite en Belgique francophone pour les droits des travailleur·euses dans les filières internationales de la confection de vêtements : « On se situe à un moment charnière, des textes législatifs annoncent des promesses mais la faiblesse de la proposition de directive européenne témoigne déjà d’un lobby intensif des entreprises pour déforcer le devoir de vigilance. Il est temps d’agir politiquement, d’agir vite, d’agir avec ambition. »
« Chaque jour qui passe sans une législation forte sur le devoir de vigilance est une journée de plus de violations des droits humains" complètent en front commun la FGTB, la CSC et la CGLSB.
L’Organisation internationale du travail estime que 2,3 millions de travailleur·euses dans le monde meurent chaque année d’accidents ou de maladies liés au travail. Cela représente 6 000 décès par jour. Beaucoup de ces travailleur·euses sont employé·es dans les filières internationales de sous-traitance dans lesquelles, souvent hors de vue et d’accès, ils/elles ne peuvent jouir que d’une faible protection. Et cela ne tient pas compte des salaires de misère, de l’entrave à la liberté syndicale et autres violations des droits fondamentaux qui font de nombreux ravages dans les chaînes de valeur mondialisées. Une législation forte sur le devoir de vigilance peut constituer une véritable avancée pour garantir le respect des droits des travailleur·euses. »
Enfin, pour Julie Frère de Test Achats : « Il reste très difficile voire impossible de savoir où et dans quelles conditions les produits sont fabriqués. Et quand les informations sont rendues publiques par les entreprises, elles sont souvent incomplètes, quasi inaccessibles ou divulguées dans des formats si divers d’une entreprise à l’autre qu’il est très compliqué pour les consommateur·trices de s’y retrouver.
Des cadres législatifs ambitieux doivent être mis en place au plus tôt pour contraindre les entreprises à avancer concrètement dans la mise en œuvre de leur devoir de vigilance. Les consommateur·trices ont besoin de réelles garanties. »
Avec cette action, les coupoles CNCD 11.11.11 et 11.11.11 ont lancé leur campagne nationale « Les droits humains n’ont pas de prix ».